La position du tireur couché

Un nouveau livre audio basé sur une musique originale de Gilles Dimanche sort le 9 novembre 2010 chez Gallimard-Jeunesse.

La position du tireur couché, polar culte de l’écrivain Jean-Patrick Manchette, est lu par Éric Elmosnino. La musique originale qui accompagne le lecteur puise dans des inspirations aussi diverses que la musique de chambre, le jazz, l’opéra ou la musique Irlandaise. Retour sur la composition d’une petite trentaine d’extraits musicaux navigant autour d’une dizaine de thèmes…

Extraits ci-dessous diffusés avec l’aimable autorisation de Gallimard.

Jean-Patrick Manchette, écrivain, saxophoniste, était également un passionné de musique qui n’hésitait pas à citer précisément dans ses romans ses références musicales lorsqu’il souhaitait illustrer une scène ou suggérer le caractère de ses personnages. C’est ainsi que Martin Terrier, le héros de La
position du tireur couché est un inconditionnel de Maria Callas, tandis que d’autres protagonistes du livre mentionnent leur goût pour tel ou tel jazzman.

Dans mes compositions, il me semblait naturel de rendre hommage à cette dimension du livre. Des citations musicales ou des allusions aux thèmes mentionnés vont donc répondre en contrepoint à l’omniprésence de la musique dans les descriptions. Mes échanges avec Doug Headline, (fils de Jean-Patrick Manchette), m’ont conforté dans cette orientation.

Pour la même raison, le choix de l’utilisation du saxophone s’est imposé, tant les références aux saxophonistes de jazz sont nombreuses (Arshee Shepp, Ben Webster, Antony Braxton, Lee Konitz, Marion Brown, Chico Freeman, Charlie Parker, …) ! Dans ce projet, c’est Philippe Lacrouzade qui jonglera à ma demande avec ses différents saxophones pour respecter cet héritage. D’autres sources d’inspirations proviendront de descriptions de lieux ou d’espace. J’illustre l’utilisation de cette matière dans ma démarche en la détaillant ci-dessous pour quelques thèmes.

• Quand la jeune fille et la mort séduisent les jazzmen

Ce quatuor de Schubert est cité dans le paysage sonore que traverse Martin Terrier à Paris. J’ai choisi de reprendre le thème de l’andante con moto après un évènement tragique survenant à la fin d’un chapitre, de façon à rappeler à l’auditeur quelques pages plus tard cette description.

L’intérêt n’était pas ici de citer Schubert de manière littérale, mais d’intégrer le thème de la jeune fille et la mort dans l’esthétique globale. Il s’agit donc d’un arrangement de ce thème pour trio de saxophones (1 ténor, 2 altos), quatuor de clarinettes (3 sib, 1 basse) et section rythmique. Le résultat est obtenu par enregistrement successif des parties de saxophones (toutes enregistrées par Philippe) et de clarinettes (là, c’est moi qui m’y colle).

Les harmonies jazz remplacent les accords de Schubert, les timbres des bois remplacent les cordes, une contrebasse reproduit telle quelle la ligne de basse initialement jouée au violoncelle. Pour renforcer cette transposition de Schubert dans un autre style et pour apporter un contraste à l’écriture verticale initiale, une improvisation de saxophone s’ajoute et évolue librement tout au long de ce thème.

On retrouvera ce thème comme une plainte lancinante et conclusive au cours des derniers chapitres.

Extraits : La jeune fille et la mort
– version originale par le quatuor Alban Berg
– une nouvelle approche par Gilles Dimanche

• Musique pour art Pop, Op et Cinétique…

Un des lieux représenté dans le récit évoque un appartement décoré d’œuvres d’arts de divers mouvements des années 60.

J’ai choisi de ponctuer cet univers graphique de bruitages saxophonistiques ré-agencés à partir de sons interprétés par Philippe Lacrouzade et de triturations électro-acoustiques.

En partant de l’enregistrement d’Éric Elmosnino, j’ai réparti et placé diverses illustrations sous les respirations, entre les phrases, l’objectif étant de suggérer cette atmosphère par des sons fréquents, mais répartis le long du discours. De cette façon, l’équilibre voix / musique est préservé, ainsi que l’intelligibilité du discours.

Extrait – Pop, Op & Cinétique – Musique seule sans la voix

• Irish Wind

Pour respecter la forme elliptique du récit faisant référence à l’Irlande, j’ai voulu créer un thème qui serait interprété indifféremment par des instruments de musique irlandaise et par une formation jazz. Les changement de style se calquent sur cette structure, mais on retrouve pour les deux types d’interprétation un cadre harmonique et un tempo identiques. Philippe a donc dû s’accommoder de la tonalité des instruments irlandais sur un instrument qui ne s’y prête guère… mais s’est prêté au jeu pour un chouette résultat ! Le thème revient donc sous différentes formes au cours du récit, en cohérence avec celui-ci.

Les contraintes que je me suis imposé pour ce thème apportent une continuité et une homogénéité sonore sur des extraits très différents. Elles m’ont permis d’intégrer naturellement un style à priori étranger à l’identité sonore générale de ce livre audio.

Montage expérimental et didactique d’extraits des deux thèmes placés en alternance. Les passages d’un extrait à l’autre sont séparés par des « strchdut ».
Cet extrait est illustratif de la structure commune ; dans la réalité, plusieurs dizaines de minutes les séparent.

J’arrête là les descriptions pour mieux vous laisser découvrir les autres surprises de cette réalisation, notamment la superbe interprétation d’Éric Elmosino, le comédien ! J’espère que vous aurez autant de plaisir à (re)découvrir ce polar illustré de mes compositions que j’en ai eu à travailler sur ce projet. Un grand merci à Joëlle, Philippe, Doug, Éric et Jean-Christophe pour cette réussite.